L’Echo fait son analyse sur la première année académique de l’IFBI!

Publié le 17/07/2017

Master complémentaire organisé sous l’égide de la VUB, l’International Football Business Institute se veut la première formation universitaire dédiée à l’industrie du ballon rond. Ses premiers étudiants ont été diplômés hier. Ils sont… onze.

Fauteuils en cuir confortables, moquette épaisse, boiseries sentant bon la cire… On se croirait dans un des fameux collèges d’Oxford ou de Cambridge. Ou alors dans un bâtiment du campus d’Harvard. Nous sommes pourtant au centre de Bruxelles, dans les locaux de la Fondation Universitaire, sorte de club à l’anglaise où se retrouvent représentants du monde académique belge et international. C’est dans ces lieux fleurant bon la nostalgie des films de James Ivory, qu’ont été diplômés hier les premiers « universitaires du football ». Et comme le hasard fait bien les choses, les heureux lauréats sont au nombre de… onze.

En septembre dernier, la faculté d’éducation physique de la VUB lançait l’International Football Business Institute (IFBI), le premier executive master international en « football business ». « C’est au lendemain de la dernière Coupe du Monde en 2014 qui j’ai eu l’idée de lancer ce cursus, raconte le pilote du projet Jos Verschueren, directeur du programme en management du sport de la VUB, le football est devenu une industrie qui brasse des dizaines de milliards dans d’innombrables domaines: je ne parle pas que des clubs ou des transferts mais de toute l’économie qu’il y a derrière: les infrastructures, les stades, les terrains; les médias, le marketing, l’accueil des VIP ou encore la technologie: il suffit de songer à la Belge EVS sans laquelle il n’y aurait pas les retransmissions télévisées que l’on connaît. »

Première mondiale
Selon cet inconditionnel du FC Malines, il n’existait pas de cursus exclusivement dédié à l’industrie du ballon rond. « Il y a des formations données par la Fifa et l’UEFA mais elles s’adressent aux responsables des fédérations; l’Université de Liverpool dispense aussi un master en football business mais il est dédié à ceux qui possèdent déjà une expérience de quelques années dans ce secteur », assure-t-il.

Pour amorcer la pompe, il a publié à l’automne 2014 une annonce dans le magazine spécialisé Sport Business International. Il a reçu 200 marques d’intérêt d’enseignants et d’étudiants potentiels. Encourageant. Seulement voilà. Lancer pareil programme hyper spécialisé demande des moyens que l’Université ne pouvait pas se permettre. Une SPRL a donc été créée pour financer et organiser le cursus sous le mandat de la VUB. Pendant deux ans, Jos Verschueren et son bras droit, Simon Van Kerckhoven, ont couru dans tous les sens pour chercher des locaux, constituer une équipe, élaborer un programme, trouver des enseignants, des équipements et… des investisseurs.
Une majorité… d’Indiens

Plus de 200.000 euros ont été ainsi levés auprès de personnalités comme Rob Kuijpers, ex-boss de DHL et de Brussels Airlines et Walter Mortelmans, un agent de joueurs réputé sur la place (il a notamment dans son écurie le Diable Rouge Laurent Depoître). « Mon but n’est absolument pas de gagner de l’argent, assure ce dernier, mais je suis actif dans le football depuis 23 ans, je voulais lui rendre ce qu’il m’a apporté en investissant dans la formation des dirigeants de demain. Il faut voir mon apport non seulement sur le plan financier mais aussi en termes de réseau, de contacts. »
En mars 2016, alors que l’IFBI s’apprête à lancer la campagne de recrutement d’étudiants, surviennent les attentats de Bruxelles. Jos Verschueren reçoit malgré tout 2.000 candidatures avant d’opérer une première sélection sur base de 110 CV et lettres de motivation. S’ensuivent 80 interviews par Skype pour déboucher sur une première fournée de onze étudiants: un Belge, un Allemand, un Américain, un Albanais et… sept Indiens! Étonnant? « Détrompez-vous, répond le fondateur du master, on parle beaucoup du boom du football en Chine, mais le futur eldorado, c’est l’Inde, un pays de 1,3 milliard d’habitants, ancienne colonie britannique qui compte des millions de fans de clubs anglais: certains candidats ont même postulé par Skype vêtus d’un un maillot de club anglais! »
Quant au Belge, il s’appelle Aurélien Résibois, un ingénieur civil électromécanicien de l’ULB, qui travaille dans une société industrielle au Grand-Duché. Il est aussi joueur du modeste club luxembourgeois de Saint-Léger, qui milite en première provinciale. « La gestion m’a toujours intéressé et comme je suis passionné de foot depuis mon enfance, ce master m’a permis de combiner les deux car il offre une vue complète sur le business du football, explique-t-il. Dans un coin de sa tête, Aurélien Résibois ne dirait pas non à une carrière dans le secteur, même s’il n’est pas prêt à quitter son entreprise pour l’instant: « Je me verrais bien créer une boîte de consultance avec des gens d’expérience afin d’encadrer des clubs dans leur gestion, leur marketing, le lien avec les fans, dit-il, pas des clubs pros, mais ceux qui militent juste en dessous. » Pour mener son cursus à bien, Aurélien s’est arrangé avec son employeur pour travailler à mi-temps. Il a utilisé ses économies et emprunté ce qui lui manquait pour payer son minerval.
Un minerval « harvardien »

Car pour faire partie des heureux élus de l’IFBI, il faut s’acquitter d’un montant de… 40.000 euros! Un tarif digne de Harvard. Jos Verschueren justifie sans problème ce montant astronomique: « Cela paraît beaucoup, c’est vrai, mais ce montant inclut 24 heures de cours par semaine avec petit-déjeuner et lunch, l’accès à une salle de détente, un costume à l’emblème de l’IFBI et à sept voyages d’études tout compris: vol hôtels, visites, etc. En outre la formation est donnée par des professionnels de tout premier plan. »

Il y a là des économistes du foot, des avocats spécialisés dans le droit du sport, des représentants de fédération et de clubs, des experts en marketing du football, etc. Donné exclusivement en anglais, le programme est organisé en trois trimestres et aborde une vingtaine de thèmes: de l’histoire du football aux infrastructures en passant par le marketing, la législation, la fiscalité, l’éthique ou encore les relations avec les fans. « J’ai moi-même donné un cours sur le métier d’agent de joueur, témoigne Walter Mortelmans, l’après-midi nous sommes passés à la pratique en simulant un transfert de joueur, je crois que les étudiants ont beaucoup apprécié ce mélange de théorie et de pratique. »
Du Barça à la Fifa

Les étudiants ont également visité les stades de Manchester City, de Barcelone et de Lyon, rencontré les dirigeants de l’Ajax et du PSV, visité le siège d’EVS, assisté à des séminaires à l’UEFA et à la Fifa et à la finale de l’Europa League à Stokholm. Au total, ils ont été en contact avec une bonne centaine d’experts du business du football. À la fin de leur cursus, ils ont dû rédiger un travail de fin d’études d’une quarantaine de pages. Aurélien Résibois a ainsi dû plancher sur la manière dont un club comme Mouscron pourrait augmenter son (faible) public.
« Le but du master est donc d’initier les étudiants à tous les aspects de foot autres que purement sportifs ou techniques », résume Jos Verschueren. Bref, à l’IFBI on n’apprend pas à tirer un coup franc ou à faire des petits ponts mais bien à devenir, entre autres, dirigeant de club, agent de joueur ou responsable marketing.

Les premiers diplômes ont donc été décernés hier, mais la campagne de recrutement pour la prochaine année académique bat déjà son plein. Jos Verschueren et son adjoint font notamment le tour des clubs en Belgique et en Europe pour présenter le master afin de détecter élèves ou enseignants potentiels. Objectif: attirer une vingtaine d’étudiants, le break-even étant fixé à une douzaine. Quatre Belges auraient déjà marqué leur intérêt.